dimanche 16 janvier 2011

Le chat de Greuze, sa rue-et la cocotte


Jean-Batiste Greuze, Le Dévidoir (Frick Collection)


Le sol était recouvert de plastique. C'est un vrai chantier, rue Greuze. Elle se demandait si laisser les plinthes en blanc serait assez chic, s'il ne fallait pas mieux les peindre en gris taupe, comme le mur. En tout cas, c'est ce que préconisait ce magazine italien de décoration, qu'ils venaient de recevoir. Lui, ça le rendait presque nerveux ces histoires de noir lunaire (-ou tellurique? Je ne me souviens plus.) Et tout le monde avait faim.

Les petits légumes devaient confire encore cinq minutes. Elle proposa sa petite salade de fenouil. Oui, ça ferait du bien à tout le monde. Enfin, la cocotte Staub arriva, lourde, brûlante, pleine. J'ai ressenti sa satisfaction, au moment de déposer cette masse sur la table affamée.

Nous parlâmes de Deux de la vague qui nous avait plu à tous les deux. J'y ai découvert que Jean-Pierre Léaud fut écartelé entre ses deux pères Truffaut et Godard. Les Inrocks avaient prévenu que les cinéphiles un peu avertis n'y apprendraient rien de neuf. Moi si.

La salière et la poivrière, singulières par leur taille et leur mécanique, attiraient ses mains- qui tripotaient et répandaient du sel partout. Peut-être du sel du Tibet. Attention, ça sale très fort. Elle ne pouvait s'empêcher de mettre en garde son fils, m'avait-il confié in petto. Et aussi que les portions dans l'assiette, toutes petites chez elle, le laissaient affamé. Il le répéta encore en rigolant, désignant la Staub gargantuesque. Pas aujourd'hui.

Ils voulurent savoir si NYC bougeait comme avant, ou stagnait. "J'ai refait le chemin jusqu'à mon ancien appartement en haut de Time Square. Les menus du deli en bas de chez moi n'ont pas changé de place sur la porte" raconta-t-il. NYC s'encroûte, comme Paris. Nous évoquâmes aussi Hangawi, le restaurant coréen végétarien de la 32e rue à Manhattan, puis les tableaux de Jean-Baptise Greuze de la Frick Collection- et encore bien des détails de NYC mais j'ai peur d'ennuyer.

Au dessert, la petite soeur, qui a plus de 20 ans, eut plusieurs gestes d'enfant qui me ravirent. Elle se garda le couteau des fromages, dégusta avec application les deux couteaux dans l'assiette, avant de reposer celui en trop, un peu honteuse (peut-être pas, moi je l'aurais été je crois). Elle recueillit aussi le jus du plat de la salade d'oranges à la cannelle dans son verre pour le boire comme au petit déjeuner. Une fois rentrés, je finis Horizon de Modiano. Je n'avais pas du tout envie que ce soit dimanche soir.

5 commentaires:

patoumi a dit…

Aaaah.
(soupir de ravissement après la lecture de ce billet. Dire que je m'apprête à faire bouillir de l'eau pour des nouilles instantanées me parait encore plus lamentable après l'évocation de la cocotte et du fromage. Mais je n'ai pas le courage de sortir...)
J'ai adoré "Deux de la vague", tous ces extraits de films, la voix de Godard/Truffaut si souvent.
Tu sais, je crois qu'il faut vraiment qu'on arrête de lire Les Inrocks.

Cléo a dit…

"Deux de la vague" est à recommander à tous, avertis ou non. Nous n'avons juste pas compris la présence d'Isild le Besco ensommeillée, gros baskets et silhouette pyjamesque, qui s'endort au cinéma en plus. Toi oui?
Je rêve d'une petite cocotte, juste pour l'arrivée triomphante à table!

patoumi a dit…

G. sur Isild a dit "Elle a l'ai très sympa mais vraiment, elle est difficile à regarder!". Bah moi j'ai bien aimé son no-look, sa curiosité silencieuse (bon certes, le dodo au ciné, je vois pas non plus)
Tu sais que l'année dernière, à Noël, ma mère m'a offert une Staug aubergine? (mais, éternelle insatisfaite, j'aimerais bien en avoir une mini-jaune)

Cléo a dit…

La participation d'Isild n'aura pas eu que des détracteurs alors! La Staub rue greuze était bleue. Je ne suis pas sûre qu'elle soit souvent utilisée, c'est le genre d'objet qu'il est agréable de posséder juste pour lui-même. J'en veux une mini aussi.

Cléo a dit…

Non, elle n'a pas du tout eu honte pour le couteau à fromage m'a-t-il dit : "Elle sait qu'elle a de bonnes manières, qu'elle sait bien se tenir à table."