jeudi 30 juillet 2009

Je voudrais déjeuner avec vous

Le C.E.O
Jean


Hier après-midi, sur le coup des 15 heures, notre CEO, qui est francais, a fait un petit discours (assez curieusement intitulé "Get Together"), devant plusieurs centaines de travailleurs d'O. J'ai beaucoup de respect et une certaine tendresse pour le grand homme, qui me fait penser physiquement à Jean Cocteau. (Me suis à propos attiré les foudres de mes collègues à cette évocation. Comparer leur mâle idole à une vieille tante sur le retour, qui ose?)

Pendant le discours était disposé sur les tables dites "à cocktail" un assortiment de petites choses salées et odorantes (fromage, olives, gressins). Leur fumet prégnant ne me ravissait guère, et m'indisposait même - alors concentrée sur la voix assez lointaine de l'illustre président. Mais alors je fus carrément écoeurée de découvrir le buffet gigantesque post-speech. La bière coulait à flot dans de généreuses pintes, les serveurs passaient avec des plats de saucisses de toutes formes et mes camarades emplissaient joyeusement leurs petites serviettes de boulettes, brochettes et autres mignardises carnées et grassouillettes. Le déjeuner était encore assez proche et il n'était même pas encore l'heure du quatre heures...

Sans vouloir tomber sur le cliché sociologique, et en m'appuyant uniquement (et modestement) sur mes constats empiriques d'expatriée, j'ai très envie de dire que le rituel social des repas et l'appétence pour certains mets à certaines heures sont complètement bouleversés ici. Les kebabs, pizzas et autres fast-food frits cuisent à toute heure du jour et de la nuit - d'où mes hauts-le-coeur quotidiens lorsque je traverse la gare de l'Est à 8 heures du matin...Cela dit, j'ai été heureusement épargnée du collègue qui baffre son Leberkäse-Semmel (grosse tranche de pâté de foie chaud dans un petit pain) dès 9 heures...Fresh.

Je pense que, majoritairement, les Allemands se sustantent - tant au niveau besoin physique que nutritionnel - plutôt qu'ils ne prennent un repas. Ils mangent très vite, et ne discutent qu'une fois repus, mangent souvent debout, en marchant dans la rue, et seuls (beaucoup de gens mangent tous seuls dans la grande cafétéria d'O.) Ils sont également (globalement plus qu'en France) très au fait de la diététique. (Ce qui n'est pas antithétique avec le comportement décrit précédemment, du moment où la sustention est bien considérée comme organismique, répondant aux besoins physiques, organiques et même spirituels de l'individu. Énormément de végétariens, vegans, crudivores et autres régimes complexes en Allemagne.)

Il est ainsi très aisé de manger hyper-sain aussi, dans le sens où tous on trouve partout des plats de légumes, des woks, des assortiments de crudités très variés, des graines germées...(le buffet des salades à O. est impressionnant, comme celui des smoothies tous frais pressés). Il est évident qu'ici, l'alimentation est très individualisée (voire une affaire stritement personnelle) et n'a pas la même valeur sociale qu'en France (d'où je viens tout du moins). Moi je veux déjeuner avec vous.

Dans le prochain billet, je parlerai du goût des mes souvenirs, parce qu'ici, loin de mon pueblo, les saveurs manquent et les reminiscences se font sentir (malgré ou même à cause des odeurs d'ici)

2 commentaires:

Mathieu a dit…

Comme je te comprends ma chère Claire ! Tu vois, et à mon avis tu le sais, aux Etats-Unis, c'est à peu près la même chose. A la différence près que la diététique n'est pas vraiment une priorité. Mais le concept social du repas est définitivement différent. Quand tu vois qu'au restaurant, tu as à peine fini ton plat principal qu'on te pose l'addition sur la table, ça fait bizarre à nous qui aimons rester attabler longtemps après notre repas pour discuter. Ou au travail tout simplement, les gens mangent seuls, ne discutent pas, ne parlent pas entre eux, mangent le plus vite possible si bien que ca fait longtemps que j'ai choisi de manger accompagner ... d'un livre ! Et même si ca ne vaut pas une joyeuse compagnie ou une conversation animée, c'est un échappatoire que j'apprécie énormément...
Et au fait c'est quoi "O." ? on a le droit de savoir ou tu ne préfères pas ? je suis juste curieux.
Bon en tout cas tout plein de gros bisous, et à bientôt
Mathou

Cléo a dit…

Cher Mathieu,

Je pensais San Francisco un peu moins bouseux. J'ai toujours trouvé assez peu pratique de lire des livres en déjeunant, parce que miette et menottes prises...Et puis les magazines et les journaux c'est un peu lassant. Au plaisir de déjeuner avec toi!

(Aucun secret à propos d'O, c'est dans la banlieue de Munich)