dimanche 30 mai 2010

Perdue la gagne


Je les trouvais tous laids, le teint vert, les cheveux sales, trop longs, collants, rêches. Leurs pores suintaient. Des ruisselles de sueur embarquaient dans leurs courses le maquillage, la crasse comme exsudée de leur hideur. Ils se cognaient à moi. Moi aussi je devais avoir l'air d'un freak.

Je me regardais dans la vitre qui me renvoya une image sombre. Mon regard luisait sous la lumière crue. Je n'arrivais plus à décoller mes yeux de leurs reflets.

L'angoisse me ravageait. J'avais du mal à la comprendre. (Elle avait pourtant point plusieurs heures auparavant, elle gonflait, se muait en excitation puis retrouvait sa forme vorace, qui me grignottait jusqu'en haut.) Je me forçais à respirer. Je quittais le métro.

V. m'attendais depuis 30 minutes au Breizh Cafe. J'étais désordonnée, je posais les questions à l'envers. Nous parlâmes de lui, d'elle et puis de lui encore et de ce vendredi-soir. Il accepta de m'escorter vers lui.

Nous bûmes du champagne rue Barbette. La vue était belle. Tout d'un coup, c'était devenu bien-mon esprit avait déjà migré là-haut, tout en haut de la rue P. Nous nous parâmes alors d'écharpes en soie, lui d'une bleue, moi d'une grise puis enfourchâmes à deux un velib.
Je poussais la porte-ou bien j'entrais simplement, c'était ouvert. Je ne m'en souviens plus.

C'est Dimanche soir maintenant. J'écoute La Nuit Je Mens de Baschung. Oui, tout ça ce n'est que le Dimanche soir. Juste ça.

jeudi 20 mai 2010

La collectionneuse

Haydée- subtile nymphette, retourne les esprits de deux fats qui réinventent la glande absolue

Lors de mes derniers moments à Munich, j'écoutais en boucle La Collectionneuse de Charlotte Gainsbourg et Beck. C'est une chanson billingue, la voix est très douce, mélodieuse ou parlée. Le ton se prêtait bien à mon humeur de l'époque.

"J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t'en
Nous ne nous verrons plus sur Terre
Odeur du temps Brin de bruyère
Et souviens toi que je t'attends"

J'ai vu il y a peu La Collectionneuse de Rohmer. Je trouve que les personnages de Rohmer ont souvent des sourires inattendus, mystérieux et fracassants. C'est le cas de Jean-Louis dans Ma Nuit et d'Haydée Politoff dans La Collectionneuse. Ses yeux rient aux éclats. Son sourire est un brin enjôleur, un brin narquois. Je trouve le personnage d'Adrien très antipathique (comme Jérôme dans Le genou de Claire.) Et sa coiffure tellement 70' ne lui va pas- je ne le trouve donc pas beau- et puis je n'arrive vraiment pas à le suivre dans ses turlupitudes paresseuses. Les dialogues sont comme d'habitude réjouissants.

Echange entre Haydée et Adrien :
"Je ne suis pas une collectionneuse.
- Ne dis pas ça c'est ton seul mérite.
- C'est entièrement faux je cherche. Je cherche pour essayer de trouver quelque chose. Je peux me tromper."

Il a réussi à l'embrasser! Et voilà qu'il lui dit :
"Tu es une petite salope sans morale.
-Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas ta morale que je suivrai."

Haydée me plaît beaucoup, j'admire son aplomb. Quelle jeune fille choisirait de passer ses vacances à cohabiter avec deux branques quarantenaires, se targuant d'être barbare (Daniel) ou quêtant le rien-faire absolu (Adrien)? J'aime aussi sa garde-robe sagement aguicheuse, comme un voile sublimant son corps souple et bronzé. Les plans tournés à Saint-Tropez me font cruellement regretter cette époque où même ce genre de coin était peuplé d'une faune mince et et vêtue (et pas de beaufs en short qui craquent de partout). Enfin, c'est peut-être la grâce du cinéma de Rohmer...

Je partage aussi cette vidéo de Serge G. que j'ai découverte récemment (avec Haydée Politoff justement)
"De la tête aux pieds quand on l'épluche, on ne trouve rien à lui reprocher."

vendredi 14 mai 2010

You bet, pet

Jean Seberg. "T'es tellement Nouvelle Vague tu sais".

Aujourd'hui c'est mon anniversaire. Je crois que je n'aime pas trop ce jour-là et ce depuis toute petite. (J'aime juste le moment où tous les invités sont là et oublient que c'est mon anniversaire.)

Peut-être que cette appréhension date de ce 6e anniversaire. Mon père m'avait emmenée chez le coiffeur et j'en étais ressortie avec les cheveux très très courts (comme un petit garçon). Je crois qu'il avait demandé "une coupe de printemps". Abomination. Je menaçais tour à tour de sauter par la fenêtre, d'annuler la fête d'anniversaire, de partir à jamais. Je hurlais. Il s'en moquait, je crois, le responsable de cet ignominie.

J'ai revu les photos de cet anniversaire, je prends l'air boudeur sur certaines photos, je suis encore au bord des larmes. Mais je crois que le chagrin s'est dissipé dans l'après-midi. Et puis j'étais si jolie avec ces petits cheveux et la jolie robe (avec un dos "tressé").

Il y a peu, mon coiffeur munichois m'a coupé les cheveux très courts, à la Jean Seberg (comme quoi ce n'est jamais moi qui décide ces coupes de garçonne). J'ai glâné de très nombreux compliments (et délivré l'adresse dudit coiffeur à tour de bras) mais ce n'était pas vraiment moi.

Je trouve pourtant Jean Seberg extrêmement belle dans A bout de souffle. Le couple qu'elle forme avec Belmondo me ravit. (Quel abdomen musclé il a!). Encore un film qui ne cesse de faire écho avec ce que je vis. C'en est presque dérangeant.

Michel (Bebel) à Patricia (Jean S.) sur le lit de P.:
"Si tu étais avec un autre type, tu le laisserais te caresser?"

Patricia à Michel -avec son accent américain :
"Tu sais, tu disais que j'avais peur, Michel. C'est vrai j'ai peur. Parce que je voudrais que tu m'aimes. Et puis, je ne sais pas, en même temps je voudrais que tu ne m'aimes plus. Je suis très indépendante tu sais".

Et puis un truc rigolo, dans la version que j'ai, le film est sous-titré en anglais. Je trouve les traductions de l'argot français truculentes :

No way, José (Mais non mon coco)
You bet, pet (Tu parles, Charles)

Je vous rassure le 25e anniversaire n'a pas trop mal commencé, j'ai petit déjeuné avec Valses de Chopin par Alexandre Tharaud, de la confiture de mûres de Lou et du thé Blue London du Palais des thés. Par contre, il y eut bien la petite crise inévitable : au lieu du coffret Eric Rohmer (22 films!) je n'ai eu que les 6 contes moraux. Mais nous avons commandé le coffret sur la boutique Télérama. Ouf.

jeudi 13 mai 2010

Actuellement je fais des mathématiques à temps perdu

Trintignant, qui louche vers la jolie blonde- il en délaisse son missel.


J'ai déjà parlé de Maud. J'aime aussi, dans ce film, le personnage de Trintignant, Jean-Louis aussi, ce chrétien presque rigoriste dont le visage fermé se fend parfois, subitement, d'un sourire carnassier.

En fait, ce film est tout à fait épatant. Le discours est intelligent, les répliques sont d'anthologie, elles donneraient envie de vivre à Clermont-Ferrand dans les années 70.

Au café :
Jean Louis : "Un Vittel" ; Vidal : "Une orange pressée."

Jean-Louis, à propos de l'étonnement de Vidal sur une seconde rencontre au hasard :
"Non, au contraire, nos trajectoires ordinaires ne se rencontrant pas c'est dans l'extraordinaire que se situent nos points d'intersection. Forcément!"

Jean-Louis, à la table de Maud, célébrant le Chanturgue servi ce soir là :
"Moi je dis : Voilà qui est bon. - Bravo. -Ne pas reconnaitre ce qui est bon c'est un mal. Chrétiennement parlant je dis que c'est un mal."

Jean-Louis, à propos du rigorisme de Pascal :
"Alors si le christianisme, c'est ça, moi je suis athée."

Maud :
"Je suis très difficile en ce qui concerne les hommes vous savez."

mardi 11 mai 2010

Je ne sais pas comment je fais mon compte

mais je n'ai jamais eu de chance avec les hommes.

L'autre Dimanche (celui d'après l'autre fille-), nous étions dans la queue pour l'expo Willy Ronis, L. et moi. Devant, un couple-mais pas d'amoureux, discutait de plans immobiliers. Intarissables qu'ils étaient, sur les immeubles familiaux ou mêmes communautaires. "Oui, nous aussi nous y avions pensé, à acheter un immeuble. Mais nous attachons beaucoup d'importance à la sphère privée de chacun, seule Maman aime à se faire envahir" Ils m'intriguaient un peu et je crois que Laura aussi. ("Quels gros parisiens" me souffla-t-elle). Ils commentaient sans cesse de "topissime". Je trouve ce terme n*l.

C'est très étrange mais la femme me faisait beaucoup penser à moi. A moi dans pas mal d'années. A moi en quadragénaire. A moi telle que je serai ou voudrais maintenant être plus tard? Oui j'ai grave tendance à me projeter. Alors pourquoi pas en : quadragénaire. Avec des enfants. Un chat. Une maison de campagne avec un potager. Comme elle.

Et tellement physiquement- les cheveux gris en moins, j'en aurais bien un jour aussi. La même stature haute, le même style (boots à talons, trench, jeans droits- classicisme preste) et le même teint frais, la même coiffure, les mains qui touchent les cheveux, tout le temps, trop courts pour être longs, trop longs pour être courts. Mais elle devait avoir les cheveux longs à mon âge.

C'est un peu comme le personnage de Maud (dans Ma Nuit chez)- mais pas tout à fait, parce que là : elle est moi. La vraie, pas moi projetée, cette fois. Cet air de séduction- qu'elle sait irrésistible, son style- oh cette chapka, et puis la chemise de marin pour dormir, sa façon de se frotter, avec les pieds, à Trintigant, et toute cette tristesse mâtinée d'étincelles dans les yeux. Oui, Maud. Pas du tout Cléo de 5 à 7 comme tu dis, toi.