mercredi 17 mars 2010

Ah oui...


Wundervoll, une marque de lingerie berlinoise qui m'a séduite au premier regard.

D'après un homme allemand qui travaille dans la vente de prêt à porter féminin- je cite mes sources, au cas où l'information serait erronée- la lingerie fine, délicate, sobre, qui joue sur les étoffes et la transparence ne plaît pas du tout en Allemagne. Ici, ce qui se vend, ce sont les frous-frous, les push-ups, la dentelle et les couleurs qui en mettent plein la vue. Ah oui...

Ce n'est pas du tout le cas de la sompteuse lingerie Wundervoll pour laquelle je serai prête à quelques folies.

Notre discussion m'a rappelée ce texte, qui est la première version (extrêmement éloignée) d'un article paru dans Causette, et qui n'a guère été lue (sauf par Lou). 

La lingerie est un vêtement complexe  à décoder. Comme tous les vêtements, la lingerie remplit deux fonctions essentielles – mais pas exhaustives : la fonction protectrice et la fonction ornementale. Mais, à  la différence des autres éléments de notre parure vestimentaire, nos dessous ne sont pas visibles par tout un chacun (à moins d’une vulgarité remarquable, ou d’une transparence délibérément sexy). Quoique habilement dissimulée (son « invisibilité » est souvent prônée), nous nous sentons nues sans lingerie. Pire, si elle est inadéquate, elle rend le corps difforme ou la tenue grossière. La lingerie est donc la botte secrète de notre armure quotidienne. Lors des combats, elle nous donne de l’aplomb, et lors des trêves,  elle est notre plus bel atout.

Chaque femme a une histoire personnelle,  riche en anecdotes, avec ses dessous. Une petite histoire qui s’agrafe dans celle, avec un grand H, de la lingerie. Une Histoire fougueuse et souvent scandaleuse, à l’image de ses héros Seins et Fesses et de leurs acolytes : guêpière, corset, porte-jarretelles, soutien-gorge etc. Le sein a connu de tels hauts et de tels bas : tantôt considéré comme une hideuse mamelle, tantôt vénéré comme symbole érotique –  et planqué au nom de la vertu. Les dessous – aussi cachés soient-ils, reflètent fidèlement la société, ses paradoxes et ses croyances au fil des époques.

Les dessous, s’adaptent, bonnes pâtes,  aux circonvolutions sociologiques. Ainsi, le soutien-gorge antique répondant au nom exquis de mastodeton (de mastos, mamelles) aplatissait les poitrines des Grecques. Oui, ces Grecs férus d’harmonie ne pouvaient tolérer un sein tombant ! Au Moyen Age, le sein laisse les chevaliers indifférents (ils fantasment alors davantage au vu du galbe d’un mollet ou d’un talon féminin…). Qu’à cela ne tienne, les petits seins ronds des dames sont moulés dans de créatives armures : cotte, bliaud, sorquerie ou surcot, qui garantissent souvent des décolletés pigeonnants…Les dévôts puritains du XIIe s enrageaient à la vue d’une cheville à l’air mais laissait le téton prendre froid…Comme c’est amusant de penser qu’au milieu XXe s, nos prêtres de la pudibonderie ont engagé de féroces croisades contre le sein, censurant en 1953 l’aguicheuse poitrine de la belle Jane Russell dans le Banni


La sauvage poitrine de Jane bannissait, il est vrai, tous les soutiens-gorge de l’époque, au point que la costumière du plateau, excédée, avait déclaré qu’elle était dessinatrice et non pas architecte. Par chance, l’ingénieux Howard Hugues – constructeur d’avions de son état, vole au secours de cette poitrine hyperbolique grâce à un soutien-gorge aérodynamique. L’épopée soutien-gorge en a mis à contribution, des chercheurs de haut-vol ! Matériaux, formes, armatures…L’industrie des dessous peut être considérée comme de pointe…Quant au secret de la découpe parfaite, il semblerait qu’Agnès Sorel, fashion icon à la cours de Charle VII,  ait réussi un coup de maître en lançant la mode extravagante d’un sein dedans-un sein dehors. Le secret ? Un débraillé subtil particulièrement érotique parce donnant l’impression d’un déshabillage…

 

La coquette du XXI e siècle, contrairement à ses aînées, jouit d’une liberté totale en matière de sous-vêtements. Nul besoin de souffrir dans un corset ni de brûler son soutien-gorge en signe d’indépendance, non, nous avons aujourd’hui la rude tâche de nous harnacher en toute impunité. Mais bien conscientes de l’atout incomparable d’une lingerie adéquate, nous nous mettons à la tâche avec une ardeur quasi-guerrière. Nos dessous se doivent de nous mettre en valeur, de nous rendre plus belles afin qu’ils succombent !

Et eux, ils en pensent quoi de nos armes-(atures) ? T, 28 ans, fair play : « Je lui laisse ses dessous durant tous les préliminaires. Elle en profite, elle se sent la maîtresse et elle aime ça. Mais je l’en débarrasse pour le  feu d’artifice final. » J, 25 ans, exigeant : « Les dessous d’une femme ne peuvent m'exciter que s'il est évident, dans son comportement, qu'elle aime les porter, qu'elle se sent belle dedans, et qu'elle aime se montrer à moi avec eux.» Pas indifférents, les hommes restent néanmoins aux abois : pas question de se laisser enivrer béatement par notre ardente et coquine lingerie…